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Trois apories du hockey sur glace

8 Mai 2010

Ne vous déplaise, avec les bourgeons et les jupes, le hockey éclot un peu partout en ville le printemps venu.  Dès avril, même le passant le plus indifférent se laissera surprendre par le surgissement en plus ou moins grande quantité de manifestations partisanes simples, de l’autocollant de bumper jusqu’aux bannières solennelles en passant par les fanions, chandails et autres articles vendus séparément aux couleurs de l’équipe locale ou délocalisée.  Et pour l’individu vaguement allergique à cette coquetterie partisane soudaine, ça se corse ensuite.  Les épisodes de délires intempestifs (coups de klaxon, hurlements de joie, insultes intraduisibles) de plus en plus fréquents, de plus en plus répandus, étoufferont le peu de patience que cultivait le citoyen du monde à l’endroit de ces jeux païens.  Finalement, agacé à mort de ce qu’on ne parle plus de la météo qu’une journée sur deux à la pause-café, et encore juste pour être poli, le hockey devient sujet d’hostilité, prétexte à querelles entre croyants et athées, orthodoxes et infidèles.

Le fait avéré et maintes fois revérifié du grand courant d’air médiatique que génèrent les Séries éliminatoire de la coupe Stanley, ne fait certes rien pour décrotter de l’aberrante ferveur les uns et de la dérision préchauffée les autres. Aussi, en marge de toutes ces décoratives calembredaines, et en petits caractères tricolores s’il vous plaît, me proposé-je humblement de brasser les cartes de quelques lieux communs de notre sport national.

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  • De l’usage du verbe au hockey

Premier élément de litige : le vocabulaire sportif, ou de l’absence de *, qu’on voudrait symptomatique d’une bêtise notoire de toute la planète hockey, mais particulièrement des joueurs.

Sans donner votre 110 %, vous pouvez trouver, j’en suis sûr, 10 ou 20 clichés typiques de l’entrevue menée avec un joueur entre 2 périodes.  Ils sont rares, trop rares, les exemples d’éloquence chez les joueurs, qui s’éparpillent plutôt en clichés éculés et en accidents syntaxiques devant l’intervieweur complaisant.  À quand l’ambassadeur inspiré, le gentleman hockeyeur ?

On peut attendre longtemps…  Enfin, c’est ce que pense l’archétypal anamateur de hockey.  Eh, me semble évident que c’est se montrer aussi ingrat que si on demandait à un poète de manier la scie à chaîne !  Et c’est surtout regarder au mauvais endroit.

C’est qu’il laisse tout son petit change de verve sur la glace, le joueur.  Si son discours s’articule mal dans les marges de  la patinoire, faut le voir bondir sur une saillie laissée par un adversaire, embobiner avec vivacité  (parfois interrompue) ce dernier d’une longue hyperbole, ponctuer sa progression de feintes et de passes, puis décocher un de ces traits à faire blêmir le grand Cyrano dans l’espoir de mettre le point final à la partie.  Le tout entrelacé aux chants qu’entament en chœur un public à l’unisson.

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Les placoteurs sportifs ne sont pas en reste non plus, cette fois-ci au sens strict.  Laissez Benoît Brunet à sa paisible retraite, c’est plutôt au descripteur de cette joute déclamatoire que je dédie ces mots.  Il faut écouter les Pierre Houde et Martin McGuire de ce monde du sport, maniant le verbe comme l’aède le faisait pour décrire les faits et gestes héroïques, créer un récit vivant et cohérent au fur et à mesure que la joute se déroule à un train d’enfer (« de tous les sports pédestres, le hockey est, nous rappelle Roland Barthes, le plus rapide »).

À cette fin, le vocabulaire du commentaire est, et ce sans être technique, beaucoup plus précis, varié et imagé que dans n’importe quelle autre sphère médiatique.  « X tente une passe à Y, qui remet aussitôt derrière le filet à Z, qui jongle cependant avec la rondelle avant de la perdre aux mains d’X’ ».

C’est presque aussi beau à entendre qu’à voir.

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La plus dure partie à sauver est la masse partisane, à peu près aussi égrillarde qu’une confrérie de mousquetaires saouls raides les soirs de gloire, aussi ternes et sans mots qu’un fonctionnaire dépressif les soirs de rince.  Dans tous les cas, les cris primaux, les insultes grasses (ai entendu lors du dernier 4 de 7 : Sydney Crosbite et Shittsburgh) et, au mieux, les analyses savantes échafaudées à qui mieux-mieux entre deux pots portent un peu ombrage à la langue française, il est vrai.

C’est qu’ici l’éducation reste encore à faire.  Trop peu habitué à échafauder des discours complexes ou à canaliser ses émotions dans l’expression d’une idée, le partisan en est à ses premiers coups de patin pour ce qui est de communiquer vraiment.  Mais en cela, diffère-t-il tant de ses concitoyens qui assomment à coups de lieux communs au bureau ou qui n’osent exprimer leur rage qu’à l’intérieur de l’habitacle climatisé d’une automobile ?

Que nenni !  Dans la lutte contre l’ataraxie sociale, le partisan est en première ligne, prêt à se sacrifier pour enfin pousser un vrai cri, se purger de la lie de sa pensée, entrer spontanément en contact avec son prochain ou émettre une opinion sincère, fusse-t-elle étayée uniquement par l’instinct.  En deux mots comme en deux mille, le partisan de hockey est l’homme nouveau d’une société de pleutres qui se sédimente sous l’effet du radotage hypocrite et insignifiant.

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  • La loi, c’est quoi ?

Accuse-t-on sans vergogne le hockey d’être au-dessus des lois dans votre entourage ?  Dans l’intervalle où vous stipulerez que « c’est inexact et exact à la fois », songez aussi que, a contrario du mouvement qui agite le milieu dans lequel vous insérez à brûle-pourpoint cette boutade coupe-gorge qui excédera assurément les 15 minutes réglementaires, le hockey est justement excitant parce que toute loi (celles des juristes comme celles des statisticiens) y est sans cesse remise en question, contestée, bafouée.  La preuve : Canadien disposant des aspirants champions pour ensuite donner du fil à passer au tordeur aux champions sortants.

De fait, malgré des efforts surhumains pour baliser ce jeu, dans l’arène (arbitres et commissaires) aussi bien qu’hors de l’arène (policiers et politiciens), jamais rien ne change au hockey.  La tempête dans une gourde d’eau quant aux coups ayant pour cible ou s’adonnant tomber quelque part dans le haut supérieur du corps en fait foi.  Mieux encore : les agressions sournoises, l’algarade et les bouleversements de toutes sortes existent peut-être dans l’arène pour nous rappeler l’exigence du civisme et de l’ordre dans nos vies de tous les jours, pour ne pas dire ordinaires, parce que n’ayant pas droit de cité dans ladite arène bien sûr.  D’ailleurs, à la fin, ce n’est jamais la brutalité qui l’emporte, mais une certaine idée de la civilité : celle des poignées de main courtoises et des accolades franches de l’après-joute.

Le hockey n’est pas un sport anarchique, même s’il met en scène un concentré des forces du chaos dans une joute théâtrale : d’abord parce qu’il est remise en question de l’efficacité des règles que se donne une société (pénalités indues, offenses non punies, lesquelles déclenchent l’ire du public), puis par les hasards répétés qui semblent prêter une volonté propre à la rondelle (faux bonds, retours de lancer hasardeux, ricochets involontaires… d’où l’expression consacrée : la puck roule pas pour nous à soir).  Et tout ça réaffirme en lettres pyrotechniques la préséance de l’éthique sur le jeu, lequel se manifeste à chaque instant par de multiples signes rassurants : lignes sur la glace, coups de sifflet qui arrêtent le temps et transportent l’action, recours aux reprises vidéo, etc.

Irrationnel au premier abord, le hockey n’est pas loin des premiers grands spectacles de par sa mise en scène des éléments perturbateurs de ce monde : le théâtre athénien, qui purgeait les citoyens de ces passions néfastes à prix imbattables, et les jeux romains, qui offraient au public une violence vertigineuse et en cela contre-exemplaire.

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  • L’engagement dans la diversion

D’ailleurs, le spectacle sportif est souvent vu par ses calomniateurs comme une superbe perte de temps ou pis, une odieuse diversion des citoyens/citoyennes de leurs devoirs civiques (repriser l’économie en travaillant plus, puis se reposer en s’informant inlassablement des vraies affaires).  Or, si le sport est effectivement « ce pouvoir de transformer chaque chose en son contraire » [cf. Barthes dans un documentaire d’Hubert Aquin, Le Sport et les hommes], le spectacle du hockey est, loin d’être un vain divertissement, l’occasion rituelle où l’on porte  collectivement son coup de grâce à l’hiver.  Parce que le hockey, c’est le triomphe du mouvement et de la passion sur l’immuabilité et l’engourdissement inhérents à ce pays qui est l’hiver, comme l’a dit le poète.

Pour certains autres, non-partisans moins hostiles ou pseudo-partisans, il est  plutôt prétexte à spéculations amusantes (pools) ou à rendez-vous amicaux (pubs), les deux étant presque incontournables durant les Séries (à moins d’être sur Facebook™).  Pour moi, je ressens comme une indisposition dans la région du mental inférieur devant ces néopartisans déçus que Pittsburgh n’aient pu l’emporter en 5 matches tel que prévu, mais qui font quand même mine de gueuler (spectacle induisant une dose non recommandée de malaise) à l’unisson quand Canadien en passe une p’tite vite à Fleury.

On a souvent fait des gorges chaudes du fanatisme grotesque des disciples de Canadien, mais l’absence de parti pris, au hockey comme au quotidien, est une comédie bien plus sordide encore.

Se donner le choix, c’est parfois ne pas choisir.

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Avez-vous déjà habité un appartement qui possède son double symétrique (dont l’axe de réflexion est le mur mitoyen) ?  Avez-vous déjà imaginé qu’un jour vous rentreriez dans l’appartement renversé, comme si la vie s’était retournée sur elle-même et vous avait laissé de l’autre côté du miroir ?  Théoriquement, il n’y a pas grand-différence entre vous étendre dans le bain d’est en ouest ou d’ouest en est.  Mais concrètement, c’est impensable que d’espérer retrouver tout bonnement votre place dans ce monde à l’envers, parce que vous ne pourrez plus jamais vous sentir chez vous dans votre salle de bain.  Votre rapport à l’espace ne sera plus que fonctionnel, et votre appartement (ou duplex) ne sera plus qu’un lieu traversé, non habité.

Où c’est que je vas avec mes skates ?  Voilà : aborder le hockey en refusant d’adopter un point de vue partisan serait comme prétendre pouvoir vivre indifféremment dans l’un ou l’autre appartement.  Ici comme ailleurs, il faut s’engager pour vivre quelque chose de signifiant, sans quoi non seulement on boude son plaisir, mais on se condamne en plus à vivre le hockey comme une expérience vide.

Mouvement alternatif entre crainte et espoir, excitation et découragement, le hockey n’est pas un sport spéculatif, pas plus qu’un spectacle esthétique.  Si vous êtes partisan, essayez de suivre la partie en adoptant le point de vue de l’autre équipe… vous constaterez qu’il est quasi impossible de changer de lorgnette.  Vous trouverez toujours que Canadien met une éternité et quart à organiser son attaque, craindrez les tirs des Ovechkin et Crosby, grincerez des dents quand l’arbitre punira injustement Lapierre, etc.  On ne revire pas son affection de bord comme un chandail.

Et encore, on n’est pas si libre que ça  de choisir son équipe non plus : la rationalité ou l’esthétique n’ont pas plus à y voir.  C’est que chaque amateur appartient à une communauté, à laquelle est attitrée une équipe.  Bien qu’il y ait une tendance (peut-être héritée des pools) à faire de n’importe quelle équipe sa favorite, la beauté du sport est justement d’extraire le partisan de la logique consommatrice qui lui fait choisir ou rejeter à sa guise tel produit offert selon les modes, les saisons ou le gros bon sens (qui avait prédit Washington en 4 ?).

Enfin, puisque le temps d’aller assister à l’inexorable marche de Canadien à la Coupe approche, il faut bien conclure.  Et après ?  Lundi reviendra et avec lui la certitude indicible que la somme des mouvements du quotidien, d’une vie, même bien active, équivaut trop souvent à zéro.  Et, d’ici à l’Épiphanie, le hockey vous offre au moins cette certitude : un match nul, ça n’existe pas.

— abrégé matutinalement sur CKRL le 3 mai

Les Pools sportifs : l’expertise du hasard

19 mars 2010

C’est l’histoire d’un gars…

…Stéphane, mettons.  Stéphane aime tomber sous le sens du monde.  En témoignent le fait que tout le monde le trouve unanimement ben fin, sa participation active aux groupes de loterie collective au travail, et sa propension à s’épivarder en commentaires sympathiques sur les profils de ses nombreux amis virtuels.  À part ça, gars de peu de mots, il préfère voir s’opérer sous ses yeux ébahis la magie des nombres : rendement de ses placements, résultats d’élections « s’il y avait eu des élections hier », salaire des stars, etc.  L’aime bien décrypter les résultats sportifs itou.  Il voit presque les parties à force de pénétrer les masses de chiffres enlignées en colonnes ou encadrées en tableaux.

Or, Stéphane dort mal depuis deux jours.  Pur esprit, il tente de trancher le nœud gordien du dilemme moral qui lui enserre la gorge depuis la dernière fois qu’il est allé voir s’effilocher la Sainte Flanelle à la buvette du coin.  Dans le massacre, Gaborik en a enlignés deux, et qui ont fait mal à la fibre partisane de Stéphane.  Au bureau, ces deux buts ont porté notre homme au sommet du classement dans le pool des employés.  Depuis son premier examen de philo au cégep, le mot paradoxe ne lui avait jamais fait si mal.

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De Stéphanes, il y sont de plus en plus à s’adonner avec plus ou moins de ferveur à cette discipline qui n’existe que dans la tête de ces élus ayant pris conscience de l’affaire derrière l’affaire, que la réalité est trop simple pour ne pas être arrangée et réarrangeable, un peu comme dans La Matrice, mais le complot cybernétique et les arts martiaux messianiques en moins.

En vérité, la pratique du pool sportif n’a rien de spectaculaire ni de salvateur.  Elle est peut-être seulement une façon de parier un peu plus significative que la loto 6/49, un prétexte à rencontre, une évasion symptomatique, une façon sophistiquée de s’ennuyer, un attentat aux arcanes du monde…  Dans tous les cas, je n’en suis pas et, n’ayant que des hypothèses à proposer, je me suis fait le devoir de les formuler au conditionnel.

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Bon, j’arrive plusieurs années trop tard pour prétendre révéler quelque nouvelle connaissance des pools.  L’adhérent débutant en sait davantage que moi à leur sujet.  Posons simplement les choses pour être sûr de n’exclure personne.  (Et si vous êtes au fait de l’affaire, passez donc à la section suivante.)

Disons d’abord qu’à l’origine, un groupe d’amateurs d’un sport se réunit et fait table rase avec toutes les équipes pour en former de nouvelles – bien sûr fantasmatiques – avec tous les joueurs redevenus soudainement agents libres pour la cause, repêchés tour à tour par ces heureux propriétaires virtuels selon un procédé qui est plus ou moins équitable, et plus ou moins basé sur une connaissance actuelle du sport.

Les « fantasy sports » – c’est leur nom consacré dans la langue de Bush – sont pratiqués – si je puis dire – depuis les années 60 en Amérique du Nord, par des intellectuels et des journalistes sportifs, et de manière moins organisée, moins officielle, depuis au moins la fin de la IIème Guerre mondiale.  Mais c’est dans les années 1980 que l’activité prend l’essor fabuleux qui l’a amené dans un cubicule près de chez vous.

Aujourd’hui, toutes ces activités dérivatives ont atteint une masse critique, au point qu’on parle d’une « industrie dont les retombées sont évaluées à quelques milliards de dollars ».  Mais là, faudrait m’expliquer quelles peuvent être les retombées d’une telle fantasmagorie, même collective, à part un prétexte à quelques millions de sites web, de blogs et de forums bourrés de commentaires sur le commentaire du commentaire et des geeks qui se targuent d’être plus geek que l’autre.

Enfin, ce qui est bien réel, c’est que si vous ne pratiquez pas le pool vous-même, du moins vous connaissez quelqu’un de proche qui trempe dedans.

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On n’en est pas à un paradoxe près dans l’univers du sport.  Mais il me semble que les pools font des miracles en les multipliant.

Le premier, c’est que, malgré la panoplie de conseils prodigués presque gracieusement par moult pseudo-coachs chevronnés en ligne 24/24, l’expertise en la matière n’est absolument pas requise pour avoir une chance égale de remporter son pool, alors même que le sens intrinsèque de celui-ci – du moins selon certains exégètes enthousiastes – serait justement de valider ses connaissances et ses qualités de pronostiqueurs par rapport à ce sport.

Du point de vue des statistiques (on combat le feu par le feu), le pool relève d’une sorte d’expertise du hasard.  En effet, sauf dans le cas de joueurs exceptionnels (Michael Jordan ou Mario Lemieux, pour lesquels il vaut mieux être pigé lors du premier choix – mais faire leur sélection ne relève pas de l’expertise, mais du simple bon sens, non?), les pronostics que l’on fait ne consacrent en rien notre expertise ou notre flair – il aurait fallu que tous les participants aient le choix entre tous les joueurs selon une classification complexe basée sur des équivalences, sans que leurs choix complexes soient ruinés par le choix du repêcheur qui précède.

La chance du débutant existe donc dans les pools plus encore qu’ailleurs.  Pas mal comme ironie, pour une activité inventée pour distraire quelques experts blasés.

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Le second paradoxe tient au fait qu’on peut aussi bien être détourné de son sport qu’y être amené par l’entremise d’un pool.

Ceci emmène sans retard le 3ème paradoxe – et non le moindre –, qui est que le « sport fantôme » exclue tout rapport direct au sport lui-même.  Il devient abstraction pure.  La réalité d’une partie de hockey – par exemple – n’a en effet de sens qu’en cela qu’elle génère des sensations, sentiments, repose sur un système de valeurs, avant de se draper finalement de quelques résultats – concrets pour les joueurs et les amateurs qui ont vécu la partie, abstraits pour les adeptes du pool, pour qui ces résultats sont immédiatement vampirisés pour être ingérés dans la Matrice.

Dans le cas d’un sportif de pool pur, les chiffres qui défilent sous ses yeux émerveillés sont valables en soit et n’ont besoin d’aucune des justifications qu’on a donné un peu plus tôt…  C’est donc le sport de salon au cube : je dirais même que c’est devenu du sport de bureau, sport virtuel, abstraction sportive, sport fantasmagorique, sport fantôme, sport négatif, ou est-ce nul et non avenu.

Pour être bref, ce n’est plus une passion pour les résultats derrière l’effort, mais bien pour le résultat lui-même.  S’ensuit un glissement de sens, du processus vers sa conséquence, qui traduit bien une éthique largement répandue qui ne donne un sens au chemin parcouru qu’en fonction de la destination, du résultat.  C’est ce qu’on apprend en pratiquant la démarche scientifique, l’alimentation par pilule, le pari sportif.

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Revenons à notre deuxième paradoxe.  La pratique de ce sport, même sociale, peut entraîner une défidélisation du sportif envers son équipe préférée en faveur d’une équipe virtuelle, faite de joueurs sans liens réels, mais également, au sens large, une désertion de la réalité en faveur de l’abstraction vidée de sens.

Bien sûr, il s’agit souvent d’une petite infidélité et n’empêche pas le sportif de bureau d’être également sportif de salon, voire de terrain.  Nul ne doute qu’il soit possible d’accumuler les rapports au sport, mais personne ne contestera par ailleurs que le point de vue change radicalement lorsqu’on passe de joueur à spectateur.  Il en est de même lorsqu’on passe de spectateur à spéculateur.

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Désormais, il existe 2 côtés à la patinoire, au terrain, à toute arène sportive.  Pendant qu’une partie est jouée à l’endroit de la patinoire, une autre est jouée à l’envers. Un but compté contre son équipe d’un côté de la patinoire (positive), devient un but compté pour son équipe à l’envers de celle-ci (négative).

Les pools créent donc autant d’hypo-réalités qu’il existe de possibilités statistiques à l’intérieur d’un même sport (appelez pour dire combien de combinaisons sont possibles à partir des alignements actuels de la LNH).  Et donc autant de façon de ne pas choisir la seule réalité qui compte : celle où donner son 110 % et travailler fort dans les coins veut toujours dire quelque chose.

— Baragouiné en onde à CKRL le 26 octobre 2009